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Plus généralement, la responsibilisation individuelle du patient, adossé aux technologies de l’e-santé risque de détruire le principe de la sécurité sociale à la française, en individualisant les risques et en faisant porter le poids de la réduction des coûts sur le malade, ou sur le contractant de polices d’assurance, tout au long de sa vie. L’e-santé, selon son mode d’application, peut donc participer au basculement vers un modèle de type micro-assurantiel , avec certains individus, plus exposés aux risques de santé, qui se verraient offrir des contrats d’assurance plus onéreux et des algorithmes aux biais inévitables, de genre ou ethniques par exemple. Cette personnalisation basée sur les algorithmes et les données de santé risque de neutraliser le principe égalisateur de l’assurance santé universelle, celui où chacun reçoit le même service aujourd’hui, comme demain, après un accident de voiture ou autres accidents de la vie. Ceci n’est pas le modèle défendu aujourd’hui par le gouvernement français et les institutions pour l’e-santé.
Derrière la valorisation des données de santé se posent aussi des questions plus profondes, relatives à l’humain. Les données suivent une logique statistique qui participe à la marginalisation de la relation entre le patient et le médecin, de la compétence d’un médecin à établir un diagnostic et du ressenti du patient quant à son propre état de santé. Le patient n’a plus grand-chose à décrire, le médecin, plus grand-chose à prescrire, dans une médecine algorithmiquement assistée où les seules données de santé auraient une prétention à l’exhaustivité.
Les dirigeants des géants technologiques américains promettent de guérir le cancer par les miracles de l’intelligence artificielle, mais la véritable intelligence n’est-elle pas collective ? La mise en place en France de l’e-santé ne fait guère l’objet d’un débat public et elle s’est faite de façon dépolitisée, avec l’aide de Mc Kinsey et de son étude « E-santé, augmentons-la dose ! ». Imposer une directive européenne sous pression des industriels, en toute discrétion et sans débat démocratique adéquat, ne fait que confirmer le peu d’intérêt de nos dirigeants pour les Français, les Européens et leurs préoccupations légitimes.